mardi 2 octobre 2007

Marché contre supermarché, Un à Zéro


Depuis notre arrivée, une pensée me tarabuste tous les jours et à tous les repas : où diable faire ses courses dans ce pays??

Eh oui, vous vous l'imaginez, les produits canadiens ne sont pas les produits Français... Et si vous ne vous en doutiez pas, et bien, soyiez-en maintenant assurés ! D'ailleurs, si vous avez lu "Toxic" comme nous le conseillions il y a quelques semaines, tout cela ne saurait vous étonner ! Car après tout, les produits vendus dans la plupart supermarchés de Montréal ne sont autres que des produits tout bonnement américains... La seule restriction qu'apporte la loi en la matière est que pour pouvoir apparaitre dans un supermarché qubecquois, les produits doivent être étiquetés en double langue, français et anglais... Une petite traduction "Google Translate" ou "Babel Fish" et op, le tour est jou é (sans rire, leurs traductions sont incroyablement incompréhensibles et absolument pas marketing, sic...)

Nous voilà donc bien dépourvu lorsqu'à Montréal nous fument venus, de ne trouver dans les supermarchés que produits surgelés, fructose-glucose à volonté, fruits et légumes trop emballés et OGMisés dans une ambiance aseptysée. Où donc sont passés nos fromages puants, nos saucissons et nos lardons, et nos chers, chers légumes, ces chers légumes qui sentent le soleil et la terre, et ceux en boite où l'on peut lire tout haut "sans OGM"?

Que neni, de tout cela, nous n'avions plus droit. Pendant quelques semaines, c'est donc la larme à l'oeil et un poids au coeur que nous faisons des aller-retour pleins de sacs plastiques entre notre appartement et le "marché Richelieu" tous les samedi. Certes, ce n'est pas un wall mart. On y trouve même du pain (du vrai, pas du pain demi!) et des épices en tout genre. Le tout sous plastique bien sûr. Mais le choix... Où est passé le choix? Me croierez-vous si je vous dit que pour tous légumes nous trouvions des carottes toutes épluchées, des courgettes trop droites, des tomates trop rouges, des laitues trop croquantes, des poireaux trop gros, des poivrons pas murs... Et quelques aubergines de temps en temps? Me croierez-vous si je vous dit que pour toute viande il y a du boeuf et du poulet, et pour tout poisson du saumon? Que pour tout fruit nous trouvons des poires et des pommes ?? Tout cela semble bon, certes, mais savez-vous combien de plats cela représente ? En ajoutant les oeufs, les pates et le riz, nous culminons à une dizaine de plat. Au bout de deux semaines, donc, nous voilà à manger la même chose. Encore et encore. Quel misère pour nous qui aimons tant cuisiner, pour nous dont la cuisine est une odeur et les plats une saveur...

Je déprime, donc. Sans rire, ma plus grosse déprime depuis notre arrivée. J'avoue, j'ai même demandé à Nicolas ce que nous faisions "dans ce pays de m... "

Et puis un jour, c'est la découverte.

Alors que nous rentrons à la maison en traversant notre cher parc La Fontaine, nous passons une fois de plus devant une barrière en bois qui annonce "marché Saint Jacques". Avec tout le boulot que nous avons eu, toutes les choses à faire et à découvrir, nous n'avons pas encore eu l'occasion de passer la barrière. Une fois 'est pas coutume, nous nous regardons, ralentissons... Mais, qu'est-ce qu'il peut bien y avoir derrière cette barrière? On regarde les horaires (il est près de 21h!). Surprise, contrairement à tous les supermarchés dans lesquels nous sommes passés jusqu'ici (le "Jean Coutu" Québecquois qui fait pharmacie et spermarché, l'"Intermarché" et ses produits d'importations aux prix exhorbitants, le petit supermarché Bio qui vend des trucs sympa mais trois fois rien, le "métro" près du bureau, les "dépanneurs "par dizaines.... Et tant d'autres....), celui-ci, miracle, est ouvert tous les jours de 7h du matin à minuit ! Voilà qui au moins correspond à nos horaires et va nous éviter de devoir faire les courses tous les samedi !

Nous passons la barrière. Incroyable. Dans une sorte d'enclos en plein air, sur des étals en bois, sont disposés des fruits et légumes frais. Origine, Québec. Moi qui me bat pour acheter des produits locaux pour éviter la polution des transports, me voilà servie ! Je prends une tomate. Elle sent bon ! Pas d'aseptisation ! Je regarde émerveillée autour de moi... un choix incroyable ! Ici des grenades, là des radis, ici des navets, là des champignons de toutes sortes, pleins de terre... Que sais-je encore ! Je me tourne partout. A côté des fruits et légumes, un étal de produits bio. Miels, confitures, noisettes, confiseries de toutes sortes... Plus loin, un frigo plein de viandes bio congelées : du bison, du veau... Et puis je vois une porte. Il y a un "intérieur" à ce paradis ! Du pain frais, de la baguette et du pain de campagne. Du paté frais - "Paté de Cariboux", celui là on l'a testé, je peux vous dire qu'il vaut le coup!! Et puis des fromages... Un peu cher, c'est vrai, mais c'est du vrai ! Du Bleu qui pue, du Brie qui sent.... Et des fromages de chèvres locaux par dizaine.... Et puis plus loin encore dans le magasin, des olives fraiches, des oeufs Bio, des céréales en vrac, des yaourts bio, des soupes de toutes sortes en poudre (la soupe en boite version américaine est imbuvable, c'est le cas de le dire!), des chocolats, du vin, de l'orangina, des noisettes et des noix, du café du monde entier... Je n'en crois simplement pas mes yeux...



Nous voilà donc rapidement avec deux cadys plein. On a un peu peur du résulat à la caisse... On s'approche sans sourire, habitués que nous sommes aux caissiers qui ne disent ni bonjour ni au revoir (sans rire, c'est tellement rare ici!) et là, suprise, un caissier super bien luné (malgré l'heure tardive !) nous lance un "salut, comment ça va?" avec un immense sourire! Pendant que je mets mes affaires sur le tapis, voilà mon voisin de derrière qui prend mon cady pour le remettre en place avec un autre immense sourire... J'ai à peine le temps de le remercier tellement il fait ça naturellement ! Le caissier encaisse... Et là, autre surprise, les prix sont plus que raisonnables! Moins cher que le marché Richelieu....

Un vrai marché, donc. Avec des produits frais. Du choix. Des sourires. Et des producteurs locaux qui vendent leurs produits non aseptisés à des prix raisonnables. Et ça, 7 jour sur 7 et jusqu'à minuit... Je ne sais quoi réver de mieux !

Sur le chemin du retour, j'ai le sourire scotché au lèvres. Tout à coup, tout prend du sens. Tout à coup, j'ai envie de rester ici. Alors c'était donc vrai? C'était donc vrai qu'il y a une part de la population, ici, une part de vrais Québecquois, qui n'adhère pas à 100% et les yeux fermés au modèle américain? Qu'ils sont souriants, qu'ils sont bienveillants, et qu'ils aiment la bonne chaire et les produits naturels... Je crois qu'on devrait s'entendre ! ;-)

Plus tard, comme un épilogue à toute cette histoire, j'ai appris que ce marché était l'un des derniers marchés de quartiers de Montréal et que son histoire était plein de sens. Dès 1884 (voir photo), il sert déjà de lieu de regroupement politique lors d'une assemblée contre Riel (cité par Jacques Lacoursière). Beaucoup plus tard, le 27 Jnvier 1943, des milliers de spectateurs se rassemblent au marché Saint-Jacques pour assister à une assemblée du Bloc populaire, une nouvelle formation politique dont la devise n'est autre que «quand l'heure de la batille sonnera, que ce soit au fédéral ou au provincial, nous serons là pour défendre notre politique que je veux résumer en deux mots : Le Canada aux Canadiens et le Québec aux Québécois.», comme le dit Raymond, le député indépendant de Beauharnois-Laprairie à la Chambre des communes.

Etait-ce donc aussi cela que j'ai senti dans ce marché, le poids de cette histoire pleine de sens qui contraste tant avec les wall marts et autres hyper-giga-immenses-supermarchés?

Pourvu que tout cela perdure encore, que tout ne perde pas son sens, que le Québec sache s'accrocher à son histoire que je commence à peine à entre-apercevoir ! J'apprends il y a quelques jours sur Internet que la mairie de Montréal a l'intention, depuis 2005, de détruire ce marché pour en faire des immeubles d'habitation... Je ne sais pas où en est ce projet, mais je souhaite de tout coeur que les habitants de ce quartier plein d'histoire aient su y mettre fin à temps...

Bientôt, nous irons découvrir l'Écomusée du Fier Monde, qui fait face au marché. Nous devrions dans ces anciens bains découvrir un peu plus de l'histoire des gens de l'avenue Ontario. J'ai hate !





2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est étrange, moi c'est quand j'habitais en France que j'avais l'impression que le choix de légumes était limité, et ce qui était offert, peu frais. Comme quoi...

Gwenaelle Bel a dit…

Oui, je suppose que les perceptions sont différentes quand on vient d'arriver dans un nouveau pays et qu'on n'a pas encore pris ses marques... Probablement le Québec et la France ont-ils un choix de nourriture simplement différent mais pas mieux ou moins bien... Mais au fait, de qui est ce commentaire anonyme?