samedi 31 juillet 2010

Le confort et "la route" - Oregon et Californie

Vancouver, c'était le confort. Grâce à Julia, l'amie d'Emily, on n'a rien eu à faire. Arrivés le jeudi soir, elle nous a emmenés prendre un verre dans un super bar et nous a dit tout ce qu'il y avait à faire dans la ville. Le tour du parc Stanley dont les plages et les arbres centenaires (red woods) longent la côte en pleine ville; traverser le quartier "Main et Hasting", malheureusement connu pour sa population de drogués que la ville essaye de maintenir en vie avec des cliniques spécialisées et gratuites; aller magasiner sur Robston, les champs élysées de la ville pleine de gens riches et de touristes. On repart de chez elle avec toutes ces idées, propres comme des sous neufs après la douche, et avec, non pas une carte, mais deux cartes de la ville. Sans compter le conseil d'un de ses amis sur où stationner avec notre van pour ne pas avoir d'ennuis avec les autorités. Pour la première fois depuis le début du voyage, on s'est sentis presque chez nous, à tel point qu'on s'est demandé si on ne resterait pas, ou plutôt si on ne reviendrait pas habiter ici. Trois jours de balade ont mis fin à cette idée. La montagne et la plage accessibles en transport en commun ont beau faire de la ville un lieu pas comme les autres pour les amoureux de la nature, le vieux cinéma où l'on a vu un film a beau avoir du cachet, Julia a eu beau nous emmener à un party plein de jeunes, il y a ce "petit quelque chose" chose à Montréal qu'on ne retrouve pas ici - les Québécois, peut-être? On quitte en tous cas la ville sans regret le dimanche 25 au matin (sauf d'avoir raté Clément qui est parti le même jour que nous!); on reprend la route en direction des États-Unis, avec une seule crainte: passer la frontière; surtout après les aventures du début de notre voyage....

Ultime pied de nez du "destin", s'il en est, ma plus grande crainte depuis le début du voyage s'avère pourtant être (heureusement!) totalement infondée - pour cette fois. Malgré deux ou trois heures d'attente dans la voiture en plein soleil (quelle idée, aussi, de passer la frontière juste au Sud de Vancouver, un dimanche, en plein été...) à écouter un audio book pour se destresser(superbe invention), contrairement à toutes nos attentes, une fois arrivés devant le douanier, nous passons la frontière en... 5mn. Une seule question, "où allez-vous", une seule réponse "chez un ami à Portland". On lui donne l'adresse de Ron et Jayne, puis il nous rend nos passeports... Il ne nous demande ni où nous habitons, ni combien de temps nous resterons aux USA. Et on reprend la route, comme si de rien n'était! Il nous faudra quelques heures pour le réaliser: nous sommes aux États-Unis, nous pourrons être au mariage de Tom et Rachel dans les temps, visiter le Grand Canyon.... L'aventure continue.

Mais avant tout, stop à Portland. D'une nuit prévue, nous resterons finalement trois nuits. Que dire de plus que le plaisir de voir Ron et Jayne aura foi de notre motivation à repartir? Ils nous logent chez eux, nous concoctent des petits plats meilleurs les uns que les autres, nous emmènent faire le tour de la ville en voiture, nous présentent Kim, une de leurs anciennes étudiantes, qui nous fera faire le tour de la ville en vélo. Le reste du temps se passe doucement en conversations hautement politiques et subversives autour de repas infinis et tellement agréables. Quant à la ville elle même, Portland nous paraît calme après Vancouver: moins peuplée, plus âgée. Plus intellectuelle aussi. Le plus grand magasin de livres des USA, Powells, me fait penser à Gibert Jeune à Paris ou encore à un Renault Bray immense où l'on venderait aussi des livres d'occasion. Il s'étend sur un bloc entier, on aurait presque besoin d'une carte pour ne pas s'y perdre! Malgrès tout, la population semble très policée et un peu raciste; on aurait peut-être préféré Seattle, mais le temps nous aura manqué pour y voir autre chose que Pike Place, l'extraordinaire marché qui s'étend le long de la côte. Parlant de temps, la route finit d'ailleurs par nous appeler aussi à Portland. Déjà il nous faut repartir et quitter nos amis... Non sans une foule de conseils sur la route à prendre vers le Sud: la 101 puis la 1, direction San Francisco en longeant l'Océan tout du long. Ron dit que c'est "la plus belle route des États-Unis"; après quatre jours de route, nous avons en effet aujourd'hui le souffle coupé. Par la beauté des paysages, par les surprises de la route....

Juste après "Strawberry Hill" où nous apercevons quelques lions de mer avachis sur leurs roches, symboles apeurant de certains Américains sans force et sans motivation, nous aurons notre plus grosse surprise à date: une rencontre. Ils s'appelaient Chriss et Sarah. Ils avaient environ 21 et 25 ans. Ils étaient sur la route quand on les a pris en stop à Florence, Oregon, là où Ron et Jayne ont vécu pendant 23 ans. Aux États-Unis, dans la plupart des États, c'est illégal de faire du stop. De prendre des auto-stoppers aussi. Et pourtant on ne regrette pas les deux jours passés avec eux avant de se quitter hier soir.

On se croyait "sur la route" mais avec eux, on a découvert notre chance et notre confort. Pas de van pour eux; pas de vêtements de rechange non plus. Pas de vélos. Juste leurs pieds, un sac à dos chacun, une casserole, un réchaud, un livre sur les plantes, des huiles essentielles faites maison pour se soigner et des étincelles dans les yeux. Lui n'a pas de carte d'identité et n'est pas revenu chez sa mère, à Boston, depuis plusieurs années. Elle n'est pas "vraiment" sur la route mais semble être tombée amoureuse de ce vagabon qui vit hors du système. Petit à petit, au long de ces deux journées, sur la côte menant de Florence à Arcata - la ville des voyageurs, où nous sommes en ce moment - ils nous expliquent un peu leur vie. Leur volonté de vivre libre. Leur point de vue - qui ressemble tellement au nôtre et à celui de Ron et Jayne! - sur leurs concitoyens qui vivent dans l'ignorance, l'opulence, l'obésité et le confort matériel. Hier, alors que nous nous arrêtons au milieu de la forêt des redwoods millénaires et que nous nous préparons à manger sous la canopé dans une ambiance féérique et silencieuse au milieu d'un nuage, Chriss nous parle du "manque de lien". "Ici, dit-il, les gens vont acheter des moules au marché du coin quand ils pourraient en ramasser sur la plage. Ils ne savent pas ce qu'il y a dans la nature, ils sont complètement déconnectés". Et lui et sa chère Sarah, qui après tout ne font que chercher à vivre dans la nature le plus simplement possible, se retrouvent étiquetés par la police comme des "menaces". Il est illégal d'être sans abri aux États-Unis. Et de marcher sur le bord de la route avec un sac à dos. Si vous voulez marcher, il faut suivre les sentiers balisés dans les parcs nationaux dont l'entrée est payante. La Californie est toutefois plus accueillante que l'Oregon en la matière (et l'Oregon plus accueillant que bien des États partout dans le pays!). Ici, on peut faire du feu sur la plage. Ce qu'on prend plaisir à faire tout les quatre, et à partager notre repas. Ils nous apprenent des choses, on leur en apprend. Eux sur le système social aux USA, sur ce qu'il faut voir sur la route, sur les plantes et les gens. Nous sur l'Europe et sur le Canada, sur la musique française et québécoise, et sur les moules aussi, car avant nous, eux-même ne savaient pas qu'elles étaient comestibles...

Les images de la côte, des dunes, de la plage et des arbres dont la taille dépasse le sens commun resteront dans nos esprit associées à leurs sourires, à leur pas lent, à leur excitation en trouvant une fleur rare, à leur sens inné de la vie tel qu'on ne le voit que si rarement, en particulier dans cette partie du monde.

Ce matin retour au confort, lessive, Internet, café, magasinage de nourriture. Bientôt nous arriverons à San Francisco....











2 commentaires:

Vince (le vrai) a dit…

Cool cette aventure. Il ne manque plus que la carte google avec tout les trajets et les arrets. Profitez bien de la californie et lachez vous sur les photos du grand canyon.

Unknown a dit…

Merci encore de ce partage d'émotions et d'expériences au travers de ces paysages hors du commun ! :)

À Bientôt J'espère !

Julien